Quand Alexis Kohler joue la montre sur son dossier MSC
Ce 2 avril, la Cour de cassation étudie la demande de prescription déposée par ses avocats. Précédemment, la Cour d'appel avait rendu un arrêt riche d'enseignements...
Face à la justice, jouer la montre est une tactique comme une autre. Et elle est souvent utilisée pour éviter de parler du fond d’un dossier, au moins médiatiquement. Mis en examen depuis l’automne 2022 pour prise illégale d’intérêt dans le dossier MSC, Alexis Kohler a justement voulu gagner du temps, alors qu’on apprenait la semaine dernière son départ imminent de l’Élysée (le 20 avril) pour la Société Générale.
Cette annonce de démission intervient alors que la Cour de cassation doit étudier ce 2 avril la demande de prescription déposée par ses avocats sur les faits du dossier avant 2014, alors que la Cour d’Appel de Paris avait débouté celle-ci en novembre dernier, confirmant en tous points l’analyse des magistrats instructeurs qui dénoncent un « pacte du silence » autour d’Alexis Kohler entre « initiés » et constatent l’absence réelle de déport du haut fonctionnaire dans ses fonctions passées.
La justice reproche à Alexis Kohler d’avoir participé comme haut fonctionnaire de 2009 à 2016 à plusieurs décisions relatives à l’armateur MSC dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte. De 2009 à 2012, comme représentant de l’Agence des participations de l’État (APE) au sein du conseil d’administration de STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique) alors que l’armateur était l’un des principaux clients de ce chantier naval, mais aussi au conseil d’administration du Grand port maritime du Havre (GPMH), puis entre 2012 et 2016, pour avoir participé à des choix sur des dossiers impliquant MSC à Bercy, quand il était au cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron.
Rappelons que la Cour de cassation ne statue pas sur les faits. C’est donc l’occasion de revenir sur les précédentes réponses faites à la demande de prescription des avocats d’Alexis Kohler, tant par les magistrats instructeurs que par les juges de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris. Car ces derniers, contrairement à la Cour de cassation, se sont prononcés à partir du fond du dossier, et leurs conclusions sont riches d’enseignements. Si gagner du temps est une tactique, elle peut se révéler à double tranchant…
« La non-révélation délibérée de ce lien aux interlocuteurs majeurs »
Les juges d’instruction Virginie Tilmont et Nicolas Aubertin chargés de l’affaire Kohler avaient précédemment tranché sur l’absence de prescription de l’ensemble des faits dans une ordonnance du 3 avril 2023 que j’ai pu consulter à l’automne dernier. Déjà, leur conclusion était implacable : « La révélation parcellaire par M. Kohler de ce lien de parenté à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe tant au sein de l’APE que des cabinets ministériels, non suivie de la mise en place d’un dispositif clair et précis définissant le périmètre de son déport afin de permettre à toute personne concernée de constater la possible prise illégale d’intérêts, la non-révélation délibérée de ce lien aux interlocuteurs majeurs qu’étaient le directeur général de STX ou le FSI [Fonds Stratégique d’Investissement], au ministère de l’économie dans les demandes de remplacement dans son mandat d’administrateur de STX formées par Messieurs Bézard et Comolli, ainsi qu’aux autorités en charge de la transparence des fonctionnaires caractérisent des actes positifs de dissimulation, justifiant le report du point de départ du délai de prescription au jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de poursuites, à savoir sa révélation dans la presse en mai 2018 ». Cette analyse des magistrats instructeurs les ont amené à mettre en examen pour complicité de prise illégale d’intérêts une partie des « initiés », en l’occurrence les anciens patrons de l’APE, Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli (ancien directeur de cabinet de Michel Charasse, qui fut proche d’Emmanuel Macron à la fin de sa vie).
De fait, durant toute cette période, Alexis Kohler n'a signalé son lien de parenté précis avec la famille Aponte propriétaire de MSC ni à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ni à la commission de déontologie. Si cette dernière avait émis un avis favorable à son recrutement par le groupe MSC en tant que directeur financier (d’octobre 2016 à mai 2017 durant la campagne présidentielle), elle avait rendu deux ans auparavant un avis négatif eu égard à un vote en faveur de MSC en avril 2012.
Les juges de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel rappellent dans leur arrêt du 26 novembre 2024 que j’ai également pu consulter : « L’enquête préliminaire montrait qu’il n’existait aucun courrier ou document faisant état du lien familial avec la famille Aponte. Il n’était pas trouvé de trace de la lettre du 5 novembre 2010 remise par l’avocat d’Alexis Kohler visant à matérialiser au sein du conseil de l’administration de l’APE cette relation familiale. Ne figurait non plus aucune note du Trésor ou du ministère informant qu’Alexis Kohler avait un lien avec la famille Aponte ou qu’il devait être exclu de tout document, information ou réunion concernant une négociation ou contrat avec le groupe MSC ».
Et ils ajoutent, un peu plus loin : « Au cours des séances du conseil d’administration [de STX France], la question des relations entre STX France et la société MSC avait été abordée à plusieurs reprises sans que M. Kohler ne fît état de ses liens personnels avec la société Aponte ». Dans ces conditions, estiment les juges, personne n'était en mesure à l'époque de signaler cette situation à la justice. Donc le délai de prescription commence en 2018, considère la chambre de l'instruction de la Cour d’appel de Paris.
Dans leur arrêt d’une trentaine de pages, les juges de la Cour d’appel de Paris rappellent l’enchaînement des faits. Ce simple rappel est lumineux au sujet de ce que les magistrats instructeurs qualifient de « pacte du silence » entre « initiés » : « Il ressort en effet des investigations que : - la hiérarchie directe de M. Kohler a été informée par lui de son lien de parenté avec les Aponte que ce soit (à l’) APE ou à la DG Trésor, - cette hiérarchie, notamment Messieurs Bézard et Comolli pour l’APE, n’a pas prévenu M. Hardelay, directeur de STX de ce lien, et ce dernier a ignoré cet intérêt tout comme les Coréens présents au Conseil d’administration selon ses déclarations, - M. Kohler n’a pas davantage avisé M. Hardelay ou le FSI de ce lien, - M. Kohler a prévenu M. Castaing, directeur du GPMH [Grand Port Maritime du Havre], de ce lien de parenté ; toutefois, M. Castaing n’a pas estimé nécessaire d’informer les autres membre du conseil de surveillance de cette situation, - M. Castaing est devenu directeur de STX le 30 janvier 2012 ».
« L’embarras de l’APE pour informer le directeur de STX »
Les juges de la Cour d’appel se sont particulièrement intéressés à un échange de mails avec Antoine Cordier, adjoint au bureau Défense et Aérospace à l’APE, datant du 26 juin 2009 et intitué « STX Conflits d’intérêts » portant sur la proposition d’adresser un courrier au directeur de STX Jacques Hardelay rédigé au nom de Bruno Bézard, avec une entête de la direction générale du Trésor - APE.
Ce jour-là Alexis Kohler adresse un mail à 10h46 à Antoine Cordier dans lequel figure en pièce jointe un projet de texte dans lequel est annoncée la substitution du Fonds Stratégique d’Investissements (FSI) à l’APE pour le suivi de STX France, dans laquelle figurait la mention suivante en toute fin :
« ce suivi permettra d’éviter tout conflit d’intérêt lié au positionnement de l’État comme client à travers les commandes de la Marine Nationale et aux liens familiaux existants entre l’administrateur représentant l’État, M. Alexis Kohler et la famille Aponte, actionnaire de MSC, ce dont il avait informé sa hiérarchie dès le mois de novembre 2008 ».
À 19h05, Antoine Cordier répond à Alexis Kohler dans un mail particulièrement révélateur, « exprimant alors l’embarras de l’APE pour informer le directeur de STX de son lien de parenté » comme le soulignent les juges de la Cour d’appel. En effet, Antoine Cordier écrit :
« Sérieux, c’est pas facile… difficile d’expliquer pourquoi on ne l’avait pas informé avant. Donc ça tombe forcément mal comme un cheveu sur la soupe (ben au fait, j’vous avait pas dit). À ta disposition pour en parler »
En pièce jointe de son mail figure un deuxième projet de courrier raturé exposant le lien de parenté avec la famille Aponte rédigé ainsi : « Par ailleurs, je tenais également à vous informer que M. Alexis Kohler était affilié à la famille Aponte, actionnaire de l’armateur MSC. L’intéressé m’avait fait part de ces liens familiaux dès le mois de novembre 2008. Les limitations législatives du nombre de mandats d’administrateurs de sociétés anonymes ne permettant ni à Pierre Aubouin ni à moi-même d’assumer les fonctions d’administrateur de STX France Cruise, j’ai proposé la nomination de M. Alexis Kohler en tant que représentant de l’État, intervenue en janvier 2009, tout en veillant personnellement à éviter toute situation de conflit d’intérêt, grâce notamment au caractère collégial des positions prises à l’APE sur les décisions stratégiques concernant votre entreprise ».
Plus tard dans la soirée Alexis Kohler soumet à Bruno Bézard un troisième projet de lettre à son nom en lui demandant : « est-ce que tu préfères cette version ? ». De sa messagerie personnelle la contrescarpe@wanadoo.fr, Bruno Bézard répond à Alexis Kohler à 23h37 : « désolé… ce n’est pas pour t’embêter, mais je ne sens pas encore cette version on va améliorer je vais essayer ce we ».
Au final, comme l’enquête des policiers l’a démontré, ce courrier, retrouvé lors de perquisition menée à Bercy, non signé, n’a jamais été remis au directeur de STX, Jacques Hardelay, ni aux membres de STX France.
« Les membres de l’APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d’intérêt »
Au partir de cet échange de mails particulièrement révélateurs, les juges de la Cour d’appel en tirent la conclusion suivante : « Il ressort de ces éléments, qu’en tout état de cause, les membres de l’APE ont sciemment fait le choix de taire cette situation d’intérêt à M. Hardelay qui était la personne en capacité de mettre en mouvement l’action publique, alors que M. Kohler n’a lui-même jamais révélé ce lien familial au directeur de STX ».
De son côté, Laurent Castaing, alors patron du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), a, lui, été mis dans la confidence, mais il a préféré ne pas diffuser cette information aux autres membres de son conseil de surveillance.
Dans leur arrêt, les juges remarquent d’ailleurs la très grande proximité entre Alexis Kohler et Laurent Castaing. On apprend ainsi que le premier a permis au second d’obtenir le poste de directeur général de STX en remplacement de Jacques Hardelay : « Alexis Kohler a joué un rôle dans son recrutement », constatent les juges qui précisent : « un rôle actif ». Ils citent alors la fin d’un mail que Laurent Castaing a envoyé à Alexis Kohler le 9 janvier 2012 :
« PS : ne pas répondre par courriel mais par SMS comme tu l’as déjà fait, mon courriel en arrivée est lu par ma secrétaire. NB je n’ai pas besoin particulier de te voir rapidement sur ce sujet mais au cas où “ai des créneaux pour être à ton bureau le…”»
C’est ce même Laurent Castaing, devenu directeur de STX France, qui remerciera dans un mail datant du 25 mars 2014 Alexis Kohler, devenu alors directeur de cabinet adjoint de Pierre Moscovici, pour son rôle de « superviseur discret » dans la signature d’un gros contrat de construction de paquebots entre STX et MSC. Un peu plus tard, dans un courrier à entête de STX France en date du 8 avril 2014 signé par Laurent Castaing, ce dernier remercie Pierre Moscovici pour son travail et précise : « Mais le soutien a été aussi moral et il fut d’une importance capitale, d’abord avec votre implication personnelle auprès de nos clients et des banques françaises mais aussi avec celle de vos collaborateurs (Rémy Rioux, Alexis Kohler et Julien Denormandie tout particulièrement) qui ont su faire preuve pendant de longs mois, d’intelligence, de diplomatie et de ténacité » (sur le cabinet Moscovici, lire également mon article précédent). Lors de son audition pour sa mise en examen, Alexis Kohler avait pourtant affirmé aux juges qu’il entretenait « des relations inexistantes » avec Laurent Castaing.
Ces rappels permettent aux juges de la Cour d’appel de soutenir que le délai de prescription ne peut commencer qu’à partir des révélations de Mediapart en 2018, et que les faits d’avant 2014 ne peuvent être prescrits : « Dans ce contexte, M. Castaing n’était pas dans un positionnement propice à la dénonciation de cette situation d’intérêt au ministère public de sorte que la connaissance de l’infraction par une personne ayant qualité pour se constituer partie civile mais n’ayant pas intérêt à agir ne constitue pas le point de départ du délai de prescription de l’action publique ».
Alexis Kohler dit s’être inscrit « dans une ligne hiérarchique »
Sur la trentaine de pages de leur arrêt, les juges de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel en profitent pour refaire une lecture générale et chronologique du dossier Kohler-MSC. Et au-delà de la question de la prescription, ils rappellent de simples faits qui mettent à mal la défense d’Alexis Kohler comme certains silences lourds de sens : « Au cours des séances du conseil d’administration [de STX France], la question des relations entre STX France et la société MSC avait été abordée à plusieurs reprises sans que M. Kohler ne fît état de ses liens personnels avec la société Aponte ».
Ainsi, lors d’une séance du conseil d’administration de STX le 11 mars 2010, Alexis Kohler avait été appelé à voter sur un projet de vente d’un navire de croisière à MSC. Dans le compte-rendu de cette séance, il était expressément précisé : « aucun des membres du Conseil n’a directement ou indirectement, dans la transaction envisagée ou dans les dispositions qui s’y rapportent un intérêt quelconque que les statuts de la Société, la législation ou autre lui fait l’obligation de révéler ou n’est pour une raison quelconque empêché de voter à la séance ou d’être compté dans le quorum ». Lors de cette séance, Alexis Kohler a voté en faveur de la signature du projet de vente. Au final, le haut fonctionnaire a siégé au minimum à neuf séances du conseil d’administration de STX France dont l’ordre du jour était en lien avec des opérations concernant MSC. Au moins, à cinq reprises, il prenait part aux votes en prenant une position favorable à des opérations en lien avec la société MSC.
Lors de l’une de ses auditions, Alexis Kohler essaye de se défendre et implique sans hésiter sa hiérarchie de l’époque, laquelle « n’avait identifié de conflit d’intérêts ni lui avait demandé de renoncer à ses mandats ou de formaliser plus avant les dispositions prises ». Et le haut fonctionnaire assure s’être abstenu d’intervenir dans tous les aspects des discussions et des décisions concernant l’armateur MSC et avoir seulement participé aux votes du conseil d’administration sur instruction de sa hiérarchie de l’APE, du ministre et de son cabinet. Alexis Kohler affirme par ailleurs que l’administrateur représentant l’État « s’inscrivait dans une ligne hiérarchique ».
Pourtant, lors de l’une de ses auditions, Jean-Dominique Comolli, l’ancien patron de l’APE également mis en examen sur ce dossier, précise le rôle des agents de l’APE et contredit Alexis Kohler sur l’idée que les administrateurs de l’État ne seraient que des rouages : « Sinon, si c’est juste pour être les porte voix, le rôle d’administrateur serait quand même limité ».
Au cabinet Macron, « Alexis Kohler avait une attitude proactive concernant les opérations intéressant STX »
Mais c’est également lors de ses fonctions au sein des cabinets ministériels qu’Alexis Kohler, tant auprès de Pierre Moscovici entre 2012 et 2014 qu’auprès d’Emmanuel Macron entre 2014 et 2016, a pu se retrouver en situation de conflit d’intérêt. Là encore, l’arrêt de la Cour d’appel apporte plusieurs éléments jusque-là méconnus. Le 4 novembre 2013, Julien Denormandie transmet à Rémy Rioux, directeur de cabinet de Pierre Moscovici, avec Alexis Kohler en copie, un mail confidentiel du conseil de la famille Aponte qui rappelle que MSC est prêt à passer une commande de quatre paquebots de croisières et que pour lever les derniers obstacles, la famille Aponte souhaite obtenir un rendez-vous avec le ministre Pierre Moscovici.
Comme directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler est le destinataire de cinq notes concernant STX rappellent les juges, et l’une d’entre elle concerne plus particulièrement les relations STX-MSC, portant au demeurant la mention « confidentiel » et sur lesquelles il apparait qu’il a formulé des observations sur les sujets abordés telles que « Accord, merci ». « L’exploitation des mails rédigés pendant ce poste montrait qu’Alexis Kohler avait une attitude proactive concernant les opérations intéressant STX, constatent les juges. Il était toujours dans la boucle des e-mails, notamment sur le besoin de recapitalisation de STX France et les options possibles ».
Justement, l’arrêt de la Cour d’appel revient longuement sur un autre épisode : le fait qu’entre 2014 et 2017, les chantiers navals STX, alors en grave difficulté financière, se cherchent un partenaire dans le cadre d’une recapitalisation. C’est une partie importante de l’enquête policière mais sur laquelle les juges d’instruction se sont moins concentrés, estimant qu’il n’y avait pas assez d’éléments pour mettre également en examen Alexis Kohler pour trafic d’influence. Sur cette partie du dossier, le haut fonctionnaire a juste été placé sous le statut de témoin assisté.
Le 2 décembre 2013, Julien Denormandie relaye ainsi l’intérêt des chantiers navals italiens Fincantieri pour entrer au capital de STX. Alexis Kohler répond que « l’intérêt de Fincantieri semble farfelu, ils sont déjà en surcapacité, ils n’ont aucun intérêt à acheter un chantier sans plan de charge ». En 2016, le groupe MSC manifestera fortement son opposition auprès du gouvernement français à un éventuel rapprochement entre le chantier naval Fincantieri avec STX. Ce projet sera finalement abandonné, du fait de l’État français, après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 à la présidence de la République provoquant l’ire de l’État italien de l’époque.
De fait, dès 2014, l’armateur MSC semble exprimer son intérêt pour entrer au capital de STX et s’oppose à un rapprochement entre les chantiers navals français et Fincantieri. Le 22 novembre de cette année-là, Alexis Kohler reçoit ainsi de Julien Denormandie, directeur adjoint de cabinet d’Emmanuel Macron, un mail de l’APE avec en pièce jointe un document confidentiel contenant le projet Fincantieri/STX. Ce document est émis par Julien Mendez, alors conseiller en charge des participations publiques, qui l’a reçu de l’administrateur APE de STX, attirant son attention sur le caractère très confidentiel du document joint. En réponse, Alexis Kohler demande à Julien Denormandie et à Julien Mendez « et quid de la LOI? ». Il semble donc s’intéresser au devenir de la lettre d’intention (Letter of intent) entre STX et MSC.
« Tout le dossier va être épluché par la cour un jour ou l’autre »
Le 17 avril 2015, le conseiller Hugh Bailey demande l’accord sur une note à Julien Mendez et Julien Denormandie, précisant qu’il préfère « la signature d’Emmanuel à Alexis car tout le dossier va être épluché par la cour un jour ou l’autre ». Plusieurs mails attestent qu’Alexis Kohler est alors destinataire des informations sensibles concernant la recapitalisation de STX à laquelle veut alors prendre part la société MSC à hauteur de 20 %, ainsi que des initiatives de l’armateur auprès des autorités politiques pour faire avancer son projet. Le 23 mai 2016, Alexis Kohler est destinataire par mail d’une note de six pages du directeur général de STX France, dans laquelle ce dernier recommande une alliance avec MSC pour débloquer le dossier de l’actionnariat.
En septembre 2015, quand Emmanuel Macron reçoit Gianluigi Aponte, grand patron de l’armateur MSC, Alexis Kohler se retrouve en copie des mails échangés à ce sujet. En août 2016, il est destinataire de plusieurs notes confidentielles relatives aux insuffisances de la proposition de MSC et aux propositions des différents candidats à la reprise des parts coréennes de STX. Des réunions sont organisées au plus au haut niveau par l’APE et la présence d’Alexis Kohler est sollicitée.
Bref, tous ces éléments montrent qu’aucun déport effectif n’était organisé au sein du cabinet Macron au sujet du dossier MSC, et notamment concernant un éventuellement rapprochement entre l’armateur et STX, contrairement aux multiples déclarations de l’intéressé devant les enquêteurs. Les juges de la Cour d’appel semblent ironiser en rappelant dans leur arrêt que « les liens de M. Kohler avec la famille Aponte n’étaient pas coupés : un mail du 25 juillet 2016 envoyé à 01h08 par Alexis Kohler sur sa messagerie à son père contenait cette phrase : “je me rends compte aussi que je ne vous avais pas raconté ma visite chez les Aponte du 14 juillet”».
En tout cas, une fois la question de la prescription tranchée par la Cour de cassation, les juges d’instruction souhaitent désormais clôturer au plus vite le dossier afin de fixer une date de procès… sept ans après les premières révélations de la presse. Concrètement, il n’est plus question aujourd’hui pour la justice de creuser davantage toute cette affaire malgré ses multiples implications. Pas question de permettre aux policiers, qui ont pourtant abattu un travail énorme depuis 2018, de continuer à enquêter sur un éventuel trafic d’influence ou sur les derniers éléments que j’ai révélés dans Marianne à l’automne. Et comme me le confie une source : « C’est un dossier où les pressions se sont multipliées. Et les magistrats estiment qu’Alexis Kohler, ce n’est pas Nicolas Sarkozy ». Sur ce dossier Kohler-MSC, si ce dernier et ses avocats ont joué la montre, ils ne sont manifestement pas les seuls.
Franchement c'est un très joli travail journalistique.
J' espère qu'un jour vous pourrez faire un aussi joli travail sur le financement de la campagne de Macron en 2017.
Bonjour wM Endeweld,
Est-ce qu'il y aurait quelque chose à creuser entre A.Kholer, le maire du Havre E.Philippe et l'augmentation du trafic (tous les trafics) au port du Havre et les nouveaux investissements prévus?
https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/reportage-la-tres-grosse-mise-de-msc-sur-le-conteneur-au-havre-8f818bea-c210-11ef-bc05-3ec985ecda5e